2022-09-28

Le Supply Path Optimization (SPO) enfin une réalité ?

Carol-Ann Motard

Marketing Director

1. Le SPO pour répondre à la complexité croissante de l’écosystème programmatique

Thomas Allemand, Senior Supply & Adtech Director

Sujet ancré dans une compréhension fine des rouages du programmatique, la Supply Path Optimization (SPO) est devenue une des problématiques majeures du marketing digital programmatique au fil de sa complexification. La sophistication des stratégies de monétisation des éditeurs les a amené à confier la vente de leur inventaires à un nombre toujours croissant de partenaires : une étude récente de MindMedia montre qu’en Janvier 2022, les principaux éditeurs français travaillaient en moyenne avec 78 partenaires SSP, exchanges ou networks, en croissance de 72% par rapport à 2019. 

Cette extrême multiplicité des chemins d’accès à l’inventaire a conduit à une opacité sur les technologies de vente réellement impliquées dans chacune des transactions, ce qui est propice à une forte déperdition de valeur. Dans son étude, devenue référentielle, de mai 2020, l’ISBA montre que seuls 51% des montants investis par les annonceurs reviennent aux éditeurs et que 15% en moyenne des investissements programmatiques s’évaporent au sein de la chaîne de valeur ! Ce que corrobore d’ailleurs la société technologique Fenestra, spécialisée dans l’optimisation de la chaîne de valeur programmatique : leur recherche a confirmé un écart d’efficacité mesuré sur un ensemble d’indicateurs média de plus de 350% selon les différents chemins d’accès à l’inventaire.

Face à la criticité de la situation, le Tech Lab de l’IAB a proposé un ensemble de protocoles technologiques qui amènent une transparence supplémentaire au marché programmatique. Le protocole Supply Chain Object (SCO) mis à disposition du marché à partir de 2019 permet ainsi d’avoir une traçabilité améliorée sur l’ensemble des partenaires de vente prenant part à la monétisation de chacune des impressions éditeurs. La mise à disposition de cette donnée au sein de la data clean room de Google Ads Data Hub (ADH) nous est apparu comme une opportunité de mobiliser notre expertise programmatique tout comme en data science pour apporter une transparence fortement améliorée sur les achats de nos clients,  préalable à toute stratégie robuste de SPO.

Le niveau de complexité d’accès à l’inventaire varie d’un éditeur à un autre. Si le cas d’un accès direct reste le plus courant, de plus en plus d’intermédiaires s’immiscent dans la chaîne de valeur programmatique.

2. Notre méthodologie d’audit révèle de premiers enseignements

Thibault Martin, Senior Data Insights Manager

La mise à disposition de données relatives aux chemins d’accès à l’inventaire au sein d’ADH nous a permis de réaliser plusieurs audits sur nos achats médias opérés via DV360 afin de nous rendre compte de façon plus fine et transparente :

  • De l’interopérabilité des différents acteurs programmatique ;
  • De la complexité et de la multitude de chemins possibles pour un même domaine ;
  • De l’évolution de cette donnée qui gagne en qualité au fil du temps.

En effet depuis le 1er semestre 2022, c’est entre 80 et 90% de la diffusion qui est désormais analysable avec une vision complète des partenaires de vente et revente sollicités dans l’enchère délivrant l’impression, là ou nous en observions seulement 25% fin 2020 lorsque la bêta permettant d’accéder à cette donnée a été ouverte. Cette évolution révèle bien l’intérêt grandissant des principaux acteurs technologiques pour rendre l’achat programmatique moins opaque, via l’appropriation des protocoles proposés par l’IAB Tech Lab, notamment via ads.txt et sellers.json

L’audit que nous avons mené, a permis de révéler les plus grosses différences de comportements d’achat au sein de la supply chain par exchange. Ainsi, là où quasiment l’ensemble des achats sont réalisés sans intermédiaires sur quelques exchanges qui concentrent 75% de nos investissements, le reste de la diffusion oscille quant à lui autour de 40 à 60% d’investissements média sur des chemins indirects, voire pour certains exchanges la quasi totalité de la diffusion n’est possible qu’en re-selling.

Nous observons également de fortes disparités cette fois-ci entre formats publicitaires puisque pour le format dit native jusqu’à 80% des investissements média sont réalisés sur des chemins en re-selling pour certaines régies contre un maximum de 40% à 60% pour des régies proposant des formats vidéo ou bannières. A noter que c’est pour les formats IAB que nous observons les longueurs de supply chain les plus longues avec 10% des investissements réalisées sur 3 intermédiaires ou plus. 

Cette multiplication des supply paths va avoir un double impact :

  • Côté sell-side/éditeur, elle va engendrer un niveau de frais plus élevé, et donc générer une rémunération plus faible pour les éditeurs ainsi qu’une moins bonne traçabilité de leurs revenus.  
  • Côté buy-side/annonceur & agences, elle va rendre l’analyse des performances plus complexe puisque les sites sur lesquels nous diffusons le plus peuvent avoir plus de 100 chemins différents ce qui devient dès lors chronophage à optimiser si les recommandations ne sont pas automatisées.

Plus concrètement, nous avons analysé un domaine où nous avons identifié 94 chemins d’achats différents sur lesquels se diluaient nos investissements. Nous avons construit une méthodologie d’analyse avancée et propriétaire pour mettre en exergue ceux qui génèrent de la performance. In fine, si le budget avait été dépensé uniquement via ces chemins, nous aurions ainsi pu observer :

  • Une baisse de 34% du eCPM visible;
  • Une augmentation de 35% du taux de visibilité;
  • Réduction de 96% du nombre de chemins distincts.

De façon plus générale, nos recherches indiquent que les chemins directs sont le plus souvent ceux à privilégier. Pour autant d’autres chemins en re-selling peuvent également créer des liens précieux entre les acheteurs et les vendeurs car ils permettent d’accéder à un inventaire exclusif. Il est dès lors important de ne pas avoir une approche erronée du re-selling. A l’aide d’une analyse multidimensionnelle nous avons cherché à isoler les variantes les plus discriminantes pour certains indicateurs de performance média et le nombre de nœuds n’en faisait pas partie. Il est cependant important de noter que les indicateurs de performance utilisés ne tiennent pas compte des frais de commission pris par les acteurs de vente/revente ou encore du winrate qui sont deux métriques absentes des tables ADH que nous utilisons pour construire nos analyses. 

Toutefois, notre méthodologie d’analyse propriétaire nous confirme que l’une des façons de reprendre le contrôle sur sa chaîne d’achat programmatique passe par une priorisation des chemins d’accès à l’inventaire et donc une réduction de ceux utilisés lors de nos achats.

Pour conclure, nous avons eu l’opportunité de travailler très en amont sur l’exploitation des données relatives à la supply chain au sein d’Ads Data Hub, ce qui nous permet aujourd’hui de construire des analyses avancées et ainsi d’accompagner les annonceurs qui souhaitent avancer et reprendre le contrôle sur sa chaîne d’achat média programmatique. 

3. Des insights à la prise de décision : une problématique de ciblage ou d’optimisation ?

Théo Blou, Data Science Solutions Director

ILes analyses que nous avons construites sont particulièrement efficaces à mobiliser car elles nous permettent d’apporter de nouvelles capacités d’optimisation aux campagnes programmatiques délivrées via le DSP de Google DV360, notamment via l’utilisation d’algorithmes d’enchères sur mesure (ou Custom Bidding).  Comment les acheteurs média peuvent-ils utiliser ces insights pour obtenir des coûts d’achat optimal ?

L’optimisation des chemins d’accès à l’inventaire via des algorithmes sur-mesure…

La solution Custom Bidding(algorithme d’enchères sur-mesure) représente aujourd’hui une superbe opportunité pour optimiser la diffusion des campagnes selon les priorités de l’annonceur : CPA, CPM, visibilité ou encore la réduction du nombre d’intermédiaires. Nous mobilisons ainsi notre expertise dans la construction de modèles d’enchères sur-mesure afin d’accompagner les annonceurs à améliorer la qualité de leur diffusion tout en optimisant leur coût d’achat. Avec cette approche, nous avons été en mesure d’observer une baisse du eCPM visible d’une campagne allant jusqu’à 27% pour un même cadre de diffusion. 

L’automatisation de cette approche est clé pour pouvoir prendre en compte les évolutions de l’écosystème programmatique: domaines disponibles, partenaires à prioriser, performance par format. Toutefois, bien que pleine de promesses, cette approche se heurte à certaines limites structurelles liées au fonctionnement de la solution Custom Bidding.

… qui doit être pensée de manière complémentaire à une refonte des setups de campagne

La solution d’algorithmes sur mesure n’est en effet pas contraignante. C’est-à-dire qu’elle ne permet pas d’inclure ou exclure certaines régies ou certains chemins d’accès à l’inventaire. Pour obtenir un niveau de contrôle satisfaisant, les acheteurs doivent être en mesure d’accéder à ces dimensions lors de la création des set-ups de campagne. La mise à disposition de ciblage dédiés au choix des chemins d’accès dans DV360 permettrait aux acheteurs de réellement contrôler le mode de diffusion de leur campagne. L’ouverture de fonctionnalités – encore en bêta à ce jour – permettant de réaliser cette exclusion dans DV360 laisse penser qu’une approche centrée sur l’exclusion des chemins d’accès à l’inventaire sera demain la norme.

4. What’s next ?

Rafael Lasnier, Senior Programmatic Director

Comme nous avons pu le voir plus haut, la sophistication extrême de l’écosystème programmatique tout au long des dernières années a entraîné une perte de transparence et de  contrôle chez les éditeurs et les acheteurs média. Face à ce constat, nous sommes persuadés que les méthodologies avancées d’optimisation de la chaîne de valeur programmatique devraient jouer un rôle central dans les années à venir dans la manière dont les publicités sont achetées en programmatique. 

Avec un audit approfondi réalisé en amont, le SPO peut créer une réelle valeur différenciée pour un annonceur et potentiellement faire économiser de l’argent à toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur programmatique en concentrant les investissements médias auprès des acteurs les plus vertueux car apportant une vraie valeur ajoutée.

Nos travaux effectués sur le sujet depuis des mois nous ont permis d’éclaircir des zones d’ombres sur la chaîne de valeur, d’anticiper des solutions d’optimisations compatibles avec DV360 mais également de soulever des interrogations encore peu traitées par le marché jusqu’à maintenant :

– Nouer des partenariats avec des éditeurs et des SSP afin d’avoir une vision plus exhaustive des fees facturés par chaque intermédiaire de la chaîne de valeur. De par un accès encore limité à cette information côté acheteurs, une action concertée est nécessaire entre les éditeurs et les acheteurs afin d’encore mieux comprendre les rouages de la chaîne d’approvisionnement et d’œuvrer de part et d’autre à augmenter la proportion des investissements qui parviennent aux éditeurs. 

– Identifier des tiers de confiance qui permettront de mesurer précisément l’impact des stratégies de SPO ce qui devrait aider à tendre vers une normalisation des méthodologies utilisées.  

– Quantifier plus précisément l’impact en termes d’émission carbone de la chaîne d’approvisionnement programmatique afin d’identifier le potentiel d’optimisation et in fine l’intégrer comme une composante de nos prises de décision d’achat.